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Le recours à un leveraged buy-out (LBO) repose sur une compréhension fine du bilan de la cible, élément central pour structurer le montage financier et sécuriser les échéances de remboursement. Au-delà de la simple lecture des postes, il s’agit de retravailler chaque ligne pour identifier les leviers de création de valeur, anticiper les besoins en trésorerie et valider la soutenabilité du plan de remboursement de la dette. Cet article propose une démarche pédagogique, appuyée sur des cas pratiques et des benchmarks chiffrés, afin de guider le professionnel exigeant dans l’exploitation du bilan tout au long de l’opération, de la due diligence à la préparation de la sortie.
Nous aborderons d’abord la phase de préparation du bilan, en détaillant l’inventaire des actifs hors activité, l’analyse du besoin en fonds de roulement (BFR) et la détection des engagements hors bilan. Nous verrons ensuite comment construire un modèle LBO robuste, définir des hypothèses bilantielles et simuler différents scenarii de remboursement. La structuration du passif, la négociation des covenants et l’arbitrage entre dettes senior, mezzanine et earn-out feront l’objet d’une section dédiée. Enfin, nous couvrirons le pilotage post-closing, le refinancement et la réévaluation périodique des actifs, puis la normalisation du bilan en vue de la sortie ou de l’IPO, en introduisant les clés d’un arbitrage fiscal optimisé.
La première étape consiste à dresser un inventaire exhaustif des immobilisations « hors cœur de métier ». Il peut s’agir de terrains non exploités, d’immeubles de placement ou de participations financières sans lien direct avec l’activité principale. Dans un contexte LBO, ces actifs représentent souvent un réservoir de liquidité potentiel si leur cession est envisageable. Il faut distinguer les actifs stratégiques, devant rester dans le périmètre, des actifs valorisables à court ou moyen terme. Concrètement, une société industrielle détenait un terrain représentant 12 % de l’actif brut : après expertise indépendante, sa valeur de marché a été ajustée de 20 % en raison de frais de portage, générant un flux net de cession de 4 M€.
La méthode de valorisation combine approches comparables, actualisation des flux et méthode patrimoniale. Pour un terrain, on privilégiera souvent la valeur de marché ajustée aux coûts de démantèlement ou d’aménagement. En revanche, pour une prise de participation dans une filiale inactive, une décote de 30 à 50 % du montant comptable est appliquée pour refléter le risque de liquidité. Le retraitement comptable se traduit par une écriture d’embellissement dans les retraitements post-due diligence, neutralisant ces actifs du bilan ajusté. Ainsi, le bilan « deal ready » présente une base réelle et opérationnelle, validée par les investisseurs et prête à recevoir le scénario de financement.
L’analyse du BFR suppose d’en découper les composantes essentielles : stocks, créances clients, dettes fournisseurs et autres postes (charges à payer, produits constatés d’avance). Chaque ligne est scrutée pour détecter les écarts entre position statique et flux réels. Par exemple, un industriel peut afficher un BFR/CA de 20 % alors qu’un service IT se situe autour de 8 %. Ces repères sectoriels permettent de situer la cible sur une échelle comparative et d’identifier un gisement de réduction possible.
Il est également primordial d’identifier les pics saisonniers (par exemple, remontées de stocks avant Noël ou paiement différé des fournisseurs en fin d’année). La modélisation d’un plan de trésorerie prévisionnel mensuel, sur 12 à 18 mois, intègre ces variations. En pratique, la mise en place d’un « cash calendar » permet de simuler plusieurs hypothèses : maintien du BFR historique, réduction de 1 point, ou optimisation poussée jusqu’à 2 points de CA supplémentaires. À 100 M€ de CA, passer de 20 % à 18 % génère environ 2 M€ de trésorerie additionnelle.
Les engagements hors bilan, tels que la reconnaissance des contrats de location selon IFRS 16, doivent être intégrés. Les loyers futurs constituent un passif implicite pouvant affecter la capacité de service de la dette. À titre d’exemple, une location d’entrepôt de 5 000 m² générait 1,2 M€ de loyers annuels, pour un passif actualisé de 5 M€ sur 7 ans. De même, les garanties irrévocables et cautions bancaires à l’égard de partenaires ou d’autorités peuvent représenter plusieurs millions d’euros.
Les contrats fournisseurs à prix variables, notamment dans l’énergie ou la matière première, sont à chiffrer selon des scenarii de sensibilité sur les indices. Enfin, les passifs de retraite complémentaire non provisionnés constituent un risque significatif. Dans un cas pratique, un groupe de 300 salariés bénéficiaires d’un régime non contributif non provisionné présentait un engagement de 1,5 M€ actualisé à 2 % sur 10 ans. Ces éléments sont reclassés dans le bilan ajusté et incorporés dans le calcul du free cash-flow disponible pour service de la dette.
La trajectoire des amortissements et des capex conditionne directement le free cash-flow. Il convient de distinguer les capex de maintenance, nécessaires au maintien de la capacité productive, et ceux de croissance, destinés à soutenir un plan stratégique. Par exemple, une industrie a prévu 5 M€ de capex maintenance annuels et 3 M€ de capex croissance. Sur 5 ans, un étalement linéaire des premiers et un pic en année 2 pour les seconds seront modélisés.
Le paramétrage du cycle d’exploitation s’articule autour des journées clients (DSO) et fournisseurs (DPO). Dans notre simulation, un DSO à 60 jours et un DPO à 45 jours impliquent un besoin de trésorerie. En introduisant un plan de réduction progressive du BFR de 1 jour de CA par an, on améliore le cash-flow libre de 0,27 M€ par journée gagnée, soit près de 1,35 M€ sur 5 ans. Ces hypothèses bilantielles concourent à confirmer la viabilité du remboursement, avec un free cash-flow cumulé suffisant pour couvrir les intérêts et le principal.
Le waterfall définit l’ordre de versement des flux de cash-flow disponible entre les tranches senior A, senior B, mezzanine et PIK. Typiquement, la tranche senior A est apportée par un pool bancaire classique, suivie par la tranche senior B à plus haut coût, puis la mezzanine et enfin le PIK, qui capitalise les intérêts. Il est essentiel de simuler des scenarii de cash sweep, c’est-à-dire le réinvestissement automatique de l’excédent de cash dans le remboursement accéléré des dettes seniors.
Une simulation opposant un remboursement in fine à un amortissement linéaire révèle l’impact sur le coût total de la dette. Sur un encours de 60 M€, remboursé en in fine à un taux de 4 %, le coût cumulatif atteint 12 M€. En amortissement linéaire sur 6 ans, il descend à 8,4 M€, libérant 3,6 M€ de cash-flow additionnel. Ce type de comparaison permet de choisir la structure la plus adaptée aux projections de free cash-flow de l’entreprise.
Pour assurer la robustesse du montage, il convient de tester des choc significatifs, par exemple une hausse de 10 % du BFR ou une réduction de 5 % de l’EBITDA. Dans notre modèle, un EBITDA passant de 15 M€ à 14,25 M€ et un BFR en augmentation de 0,5 M€ impactent directement le ratio de levier (Net Debt/EBITDA) et le DSCR (Debt Service Cover Ratio). Le leverage ratio peut passer de 3,5x à 4,0x, franchissant ainsi le covenant maximum s’il est calé à 4,0x.
La visualisation des points de breach est facilitée par un graphe simple montrant le ratio leverage en fonction des années. En cas de franchissement, le plan de secours (« covenant light ») prévoit la mise en place d’une injection d’equity cure ou d’un waiver par le pool bancaire. Ces procédures, bien définies en amont, permettent de minimiser le risque de défaut technique sans remettre en cause l’opération.
Le choix entre dettes senior, mezzanine et earn-out dépend du compromis coût-risque de l’investisseur et de la capacité de génération de cash-flow de la cible. La tranche senior (4 % à 5 %) offre un rang prioritaire, la mezzanine (8 % à 10 %) compense le rang inférieur par un coupon plus élevé, tandis que l’earn-out conditionne une partie du prix à la réalisation d’objectifs. Dans un LBO mid-cap de 100 M€, un montage fréquent comprend 60 M€ de dettes senior, 20 M€ de mezzanine et 20 M€ d’equity.
Du point de vue comptable, la dette senior et mezzanine figurent en passif financier, alors que l’earn-out, selon sa nature, peut être traité en quasi-fonds propres si elle repose sur une clause de performance. Ce traitement influe sur le ratio d’endettement et la perception de la solvabilité de l’entreprise auprès des prêteurs.
Les clauses financières (« covenants ») sont négociées sur des ratios clés : leverage ratio inférieur à 4x, ratio de couverture des intérêts (ICR) supérieur à 2x, et droit d’ajouter des fonds propres en cas de besoin (« equity cure »). Le type de test peut être trailing 12 mois ou forward looking sur l’exercice suivant. Chacun présente des avantages : le trailing s’appuie sur des résultats réels, le forward apporte de la visibilité mais requiert des projections plus consensuelles.
En cas de breach, le prêteur peut appliquer un taux d’intérêt majoré de 200 points de base, accélérer l’échéance ou obtenir des droits de gouvernance renforcés (conseil de surveillance, veto sur certaines décisions). La finesse de la négociation réside dans l’équilibre entre flexibilité pour l’emprunteur et protection pour le pool bancaire.
Les garanties réelles optimisent la position des prêteurs et permettent souvent d’améliorer les conditions financières. Le nantissement des stocks offre généralement un LTV (loan-to-value) de 80 % avec un haircut de 20 %, tandis que les créances clients peuvent être financées jusqu’à 90 % avec un haircut de 10 %. L’hypothèque sur un immeuble de rapport peut prendre en compte 50 % de la valeur vénale.
Dans un cas pratique, un pool bancaire a accepté un sur-nantissement de 20 % sur le stock, réduisant le haircut de 20 % à 15 % et abaissant le coût de la tranche senior B de 5 % à 4,5 %. Cette manœuvre, bien qu’impliquant des frais juridiques supplémentaires, a généré une économie nette de 200 000 € par an.
La mise en place de templates mensuels et trimestriels permet un suivi rigoureux des performances. Un pack type comprend le bilan, le compte de résultat et le plan de financement. Aux données comptables s’ajoutent des KPI opérationnels : cash-flow libre, évolution du BFR, ratio dette nette / fonds propres.
Pour affiner le pilotage, on suit également la rotation des stocks (turnover), le DSO (Days Sales Outstanding) et le DPO (Days Payable Outstanding). Ces indicateurs, présentés dans un tableau de bord, facilitent les décisions tactiques pour reconquérir du cash rapidement et ajuster la politique d’achat ou de facturation.
L’optimisation des processus de facturation et de recouvrement est un levier rapide de génération de trésorerie. L’escompte des factures à 2 % de coût annuel ou l’affacturage partiel (jusqu’à 90 % de la créance) libère immédiatement du cash. Sur un BFR initial de 8 M€, la mise en place d’un affacturage a permis de dégager 1,2 M€ de trésorerie en six mois.
La rationalisation des stocks via le just-in-time ou la mise en place d’un Vendor Managed Inventory (VMI) chez le fournisseur peut réduire les encours de 15 à 20 %. Dans un scénario détaillé, un gain de 2 M€ de cash-flow a été obtenu sur un BFR de 8 M€, soit une amélioration de 25 % en douze mois, sans altérer le taux de service clients.
Après 2 à 3 ans, lorsque le bilan affiche une capacité d’endettement renforcée et que les conditions de marché sont plus favorables, on envisage un refinancement partiel ou total. Deux options se présentent : la bascule d’une partie du senior vers la mezzanine pour lisser les échéances, ou le refinancement total à un taux plus attractif. Le timing dépend des maturités et des spreads en vigueur.
Sur le plan comptable, une opération de refinancement peut générer un profit ou une charge d’intérêts différée, selon la différence entre l’ancienne et la nouvelle dette. En cas d’OPA ou d’augmentation de capital, la structure bilantielle se modifie avec un accroissement des capitaux propres et une diminution correspondante des dettes financières, renforçant le ratio d’endettement et la flexibilité financière.
La révision périodique des actifs incorporels, notamment du goodwill, diffère entre les normes françaises et IFRS. Sous IFRS, le goodwill n’est pas amorti mais soumis à un test d’impairment annuel, nécessitant la discrétisation des unités génératrices de trésorerie. En France, un amortissement maximum de 10 ans peut être appliqué, selon les circulaires fiscales.
Dans un exemple concret, un brevet dans un marché en contraction a vu sa valeur réévaluée à la baisse de 30 %, induisant un write-down de 4 M€. Cette écriture a des impacts sur la solvabilité réglementaire et sur les covenants, d’où l’importance d’une veille continue des évaluations et des indicateurs économiques du secteur.
La préparation de la sortie exige de présenter un bilan « clean » aux acquéreurs ou aux investisseurs publics. Le carve-out des filiales non stratégiques permet de délimiter le périmètre standalone et de fournir des états financiers retraités. Les ajustements usuels incluent la suppression des one-offs, la retraitement des coûts d’intégration (CoS) et la levée des provisions non récurrentes.
Une checklist destinée aux auditeurs et investisseurs finaux couvre la conformité des écritures, la justification des valorisations d’actifs et la documentation des engagements hors bilan. Cet exercice renforce la crédibilité et accélère le processus de due diligence sortante.
Les multiples de sortie les plus utilisés sont EV/EBITDA, EV/Capital Employed et le multiple du free cash for equity. L’exemple d’une revente d’un LBO après 6 ans à 7,5x EBITDA sur un EBITDA de 18 M€ génère une valeur d’entreprise de 135 M€. À cela s’ajoute la dette résiduelle et le niveau de BFR pour déterminer le prix de cession net vendeur.
Un bilan sain, avec une dette nette réduite à 30 M€ et un BFR maitrisé, permet de maximiser le multiple appliqué. Toute surcote de dette ou tout BFR excessif sera sanctionné par l’acheteur, qui ajustera le prix à la baisse en appliquant un discount de valorisation.
La mise en place d’une holding de reprise permet de bénéficier du régime mère-fille et, le cas échéant, de l’intégration fiscale. Le schéma consiste à verser la plus-value de cession au niveau de la holding, où elle est quasi-exonérée à 95 % à l’IS. L’arbitrage dividendes vs plus-value doit être calculé selon le niveau d’imputation de la retenue à la source et les taux effectifs locaux.
Dans une simulation, une holding à l’IS distribue 100 M€ de plus-value après imputation des quotas, générant une économie fiscale de 2 M€ par rapport à un schéma direct soumis à l’IR. Ce type de structuration, s’appuyant sur des montages courants en private equity, doit toutefois être validé par un conseil fiscal pour éviter les risques de remise en cause ultérieure.
À l’issue de la sortie, qu’il s’agisse d’une cession ou d’une IPO, la société doit continuer à déployer une stratégie financière agile. Le reporting devenant public ou sous la responsabilité d’un nouvel actionnaire majoritaire, la rigueur dans la gestion du bilan se maintient. Les indicateurs de performance interne alimentent des process d’amélioration continue et favorisent l’accès à des financements ultérieurs à des conditions optimisées.
Enfin, une gouvernance proactive, combinée à un pilotage des risques financiers et opérationnels, consolide la valeur créée. La trajectoire de croissance organique ou par acquisitions complémentaires s’appuie sur un bilan robuste, validé lors de l’opération de LBO initiale. Cette dynamique, soutenue par un arbitrage financier avisé, assure un cycle vertueux où chaque sortie devient le point de départ d’un nouveau projet d’investissement.