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Dans un contexte économique où l’efficacité opérationnelle et la maîtrise financière deviennent des leviers différenciants, les stocks en consignation constituent un enjeu majeur pour de nombreuses entreprises. Ces dispositifs logistiques, qui placent physiquement la marchandise chez le client tout en maintenant la propriété chez le fournisseur, offrent des avantages liés à la réduction du besoin en fonds de roulement, à l’accélération du cycle de production et à l’optimisation des prévisions d’approvisionnement. Toutefois, leur mise en œuvre soulève des défis comptables, fiscaux et contractuels souvent complexes, nécessitant un cadrage précis et des procédures internes robustes.
Cette étude approfondie se propose de décrypter l’ensemble des mécanismes comptables appliqués aux stocks en consignation tant du point de vue du consignateur que du consignataire. Nous explorerons le cadre légal et normatif, les écritures spécifiques, la valorisation et la dépréciation des stocks ainsi que les impacts fiscaux et de TVA. Nous aborderons également les outils de pilotage financier, les bonnes pratiques de gouvernance et, enfin, des cas pratiques sectoriels qui illustrent ces approches dans la grande distribution et l’industrie pharmaceutique.
À travers un regard didactique mais résolument orienté vers l’application opérationnelle, l’objectif est de fournir au lecteur un guide de référence pour sécuriser ses processus comptables, optimiser son BFR et anticiper les enjeux futurs liés aux normes IFRS, à la digitalisation et aux impératifs ESG. Les recommandations qui suivent sont le fruit de retours d’expérience consolidés et de benchmarks sectoriels, destinés à renforcer la fiabilité des comptes et à soutenir la performance globale de l’entreprise.
Les stocks en consignation se caractérisent par le fait que le fournisseur conserve la propriété juridique des marchandises jusqu’à leur consommation ou revente par le client. On distingue principalement deux formes : la consignation fournisseur, où l’industriel met ses produits à disposition du distributeur sans transférer la propriété, et la consignation client, utilisée moins fréquemment, où c’est le client qui détient la marchandise en son entrepôt pour le compte du fournisseur. Dans l’automobile, les pièces détachées sont souvent gérées en consignation afin d’éviter les ruptures et d’alléger les stocks du client. En grande distribution, les fournisseurs de produits frais maintiennent leurs produits en rayon jusqu’à la vente, réduisant ainsi les pertes et améliorant la fraîcheur. Dans le secteur pharmaceutique, cela permet de garantir la disponibilité immédiate de produits à forte rotation tout en évitant la détérioration due à une gestion inappropriée.
Le recours à la consignation s’inscrit dans une démarche d’optimisation du cycle d’approvisionnement. En rapprochant le stock des points de consommation, l’entreprise réduit significativement les délais de livraison et améliore la réactivité face aux fluctuations de la demande. Sur le plan financier, la consignation permet de diminuer le BFR puisque l’actif circulant n’intègre pas ces stocks tant qu’ils ne sont pas consommés. À titre d’exemple, un distributeur de composants électroniques peut réduire son BFR de 15 % en adoptant la consignation, d’après une étude menée en 2022 auprès de quinze acteurs majeurs du secteur.
Toutefois, cette pratique n’est pas dépourvue de risques : le surstockage peut résulter d’une sous-estimation de la consommation et conduire à l’obsolescence de certains produits, tandis qu’une politique trop laxiste peut entraîner des ruptures si le fournisseur tarde à réapprovisionner. Les enjeux de stockage, de traçabilité et de rotation imposent la mise en place de prévisions précises et d’alertes automatiques, sous peine de voir se détériorer la valeur du stock et la satisfaction client.
Le partage du risque constitue l’un des piliers de la consignation. Le fournisseur supporte le risque de perte, de détérioration ou d’obsolescence tant que les marchandises ne sont pas facturées, tandis que le client bénéficie d’une souplesse accrue dans la gestion de son approvisionnement. Les contrats doivent préciser les modalités de retour, la durée du dépôt, les conditions d’assurance et les éventuelles pénalités en cas de non-respect des quantités minimales ou maximales.
Sur le plan commercial, la consignation renforce la relation de partenariat : le fournisseur s’engage à optimiser les niveaux de stock, à échanger des prévisions en temps réel et à co-investir parfois dans l’infrastructure de stockage. La mise en place de KPI partagés (taux de service, niveau de rotation, délai de réapprovisionnement) et de sessions de revue périodique favorise la fidélisation et la création d’une roadmap commune d’amélioration continue.
Au sein du PCG, les stocks sont regroupés en classe 3. Les écritures relatives aux stocks en consignation font l’objet d’un traitement spécifique. Le consignateur enregistre initialement la mise à disposition dans un compte 37X (“stocks en consignation”), distinct des comptes classiques d’inventaire. L’ANC (Autorité des normes comptables) recommande de détailler ces comptes en sous-comptes par client ou par site de stockage afin de faciliter le rapprochement physique.
En annexe, l’entreprise doit justifier le recours à la consignation, fournir les montants en fin d’exercice et décrire les modalités contractuelles. Les notes complémentaires doivent inclure les délais de retour, les modalités d’assurance et les clauses de transfert de risque, conformément à l’article 321-1 du Plan Comptable.
Sous IFRS, deux normes principales interviennent : IFRS 15 “Produits des activités ordinaires tirés de contrats conclus avec des clients” et IAS 2 “Stocks”. Selon IFRS 15, le transfert de contrôle – et non simplement de propriété juridique – déclenche la reconnaissance du chiffre d’affaires. En consignation, le vendeur doit démontrer qu’il n’a pas transféré le contrôle tant que le client ne peut pas décider de l’usage de l’actif ou d’en tirer la quasi-totalité des avantages.
IAS 2 définit quant à elle les modalités d’évaluation des stocks : le stock consigné est valorisé au coût, comprenant le coût d’achat et les frais d’acheminement. La distinction clé avec le référentiel national réside dans la notion de contrôle qui suppose une analyse contractuelle fine et la prise en compte des clauses de retour et de garanties.
Sur le plan de la TVA, tant que la marchandise demeure en consignation, la livraison n’est pas constatée : aucune TVA n’est exigible. Le déclencheur fiscal est généralement la consommation ou le transfert définitif de propriété. Des régimes particuliers existent pour les zones franches et les exportations, où la TVA est suspendue jusqu’à la sortie effective de la marchandise.
Au niveau douanier, les marchandises en transit ou en consignation peuvent bénéficier de régimes spéciaux (admission temporaire, entrepôt fiscal). L’entreprise doit enregistrer les mouvements physiques auprès des autorités compétentes et s’assurer de la conformité des déclarations pour éviter redressements et pénalités.
Plusieurs décisions récentes illustrent la complexité d’interprétation des notions de contrôle et de transfert de propriété en consignation. En 2019, une affaire opposant un fournisseur de pièces industrielles à l’administration fiscale a mis en lumière le périmètre de l’exigibilité de la TVA en cas de mauvaise rédaction des contrats. L’ANC a depuis publié une recommandation invitant les entreprises à qualifier précisément la nature juridique de chaque clause (durée, modalités de retour, conditions d’assurance), sous peine d’être requalifiées en cessions de stock classiques.
Lors de la mise à disposition des marchandises, le consignateur crédite le compte de stocks classiques (31X) et débite un compte 37X dédié. Cet enregistrement reflète le transfert physique sans cession du contrôle économique. Dans la comptabilité auxiliaire, chaque mouvement doit être associé à un numéro de référentiel client/site pour permettre un rapprochement périodique entre la comptabilité générale et l’inventaire physique.
Au fil du temps, le suivi des consommations s’appuie sur les retours de relevés ou d’EDI (échange de données informatisées). À la clôture, on procède à un inventaire tournant ou général afin de vérifier l’existence physique des stocks en consignation. Les écarts sont analysés et donnent lieu à des écritures d’ajustement ou à la constitution de provisions pour détérioration ou non-retour.
Le consignataire ne reconnaît pas l’actif en stock dans son bilan : les biens restent inscrits hors bilan en tant qu’engagements. Il n’enregistre pas de dette liée à l’acquisition, mais doit documenter en annexe les droits et obligations contractuels. À la consommation ou à la revente, il débite un compte 607 “achats consommés” et crédite un compte de tiers pour la facture à recevoir, matérialisant le transfert de propriété effectif.
Lorsqu’une partie des marchandises est retournée ou dégradée, le consignataire émet un avoir ou un relevé de stocks retournés à son fournisseur, sans passer par un compte d’achat classique. Les mouvements hors bilan sont ainsi ajustés et réconciliés avec la comptabilité du consignateur.
Au 31 décembre, le consignateur confronte son compte 37X à l’inventaire physique. Les écarts positifs (marchandises non retrouvées) entraînent une constatation d’achat irrécouvrable ou une dépréciation. Les écarts négatifs (marchandises non déclarées) nécessitent une enquête opérationnelle et, en fonction de son issue, la reconstitution du stock ou la facturation au consignataire.
On constitue également une provision (compte 39X) pour couvrir les risques de non-retour ou de détérioration estimés à partir d’historiques de sinistralité. Les commissions ou frais de stockage facturés au consignataire sont reconnus en produits annexes, selon l’avancement du service rendu.
La valorisation repose sur le coût d’acquisition pour le consignateur, incluant le prix d’achat, les droits de douane et les frais de transport jusqu’au point de mise à disposition. Pour les groupes multinationaux, le coût intragroupe peut être calculé selon une méthode de marge approuvée, garantissant l’homogénéité dans les comptes consolidés.
Les méthodes FIFO, LIFO ou CMP pondéré sont applicables, mais la méthode retenue doit être cohérente avec la rotation réelle des produits. Dans un environnement où l’obsolescence est rapide (électronique, produits pharmaceutiques), le FIFO est souvent privilégié pour refléter au mieux la sortie des lots les plus anciens.
Les critères d’obsolescence incluent la date de péremption, le taux de rotation, le niveau de dépréciation constaté lors d’inventaires antérieurs et la conjoncture du marché. Pour un fabricant de composants informatiques, la norme interne peut prévoir une provision de 20 % pour tout stock consigné âgé de plus de six mois, ajustée sur la base des retours effectifs.
La comptabilisation de la provision s’effectue par le débit du compte 68174 “Dotations aux amortissements et provisions – stocks” et le crédit du compte 391 “Provisions pour dépréciation des stocks en consignation”. Les ajustements sont évalués chaque exercice pour répondre précisément aux variations de risque.
Au plan fiscal, la déductibilité des provisions suit les règles de l’article 39 du CGI. Les provisions pour stocks consommés ou détériorés sont admises dans la limite des risques avérés. Les redressements fiscaux ciblent souvent le sur-provisionnement ou la constitution de provisions jugées excessives par l’administration.
La livraison en consignation n’étant pas fiscalement reconnue tant que le transfert de propriété n’est pas effectif, aucune TVA n’est exigible au dépôt des marchandises. L’entreprise émet une facture périodique ou à la consommation, déclenchant l’exigibilité de la TVA au moment précis où le client utilise ou revend le produit.
Le consignataire peut, sous conditions, déduire la TVA figurant sur la facture qu’il reçoit lorsqu’il consomme ou revend les marchandises. Des régularisations sont nécessaires en fin d’exercice pour ajuster les montants déductibles aux consommations réelles, notamment en cas de retours ou de dégradations constatées après clôture.
Les retours sont formalisés par des avoirs, permettant de rectifier les déclarations de TVA. L’inventaire final sert de base pour établir les déclarations rectificatives, évitant tout risque de redressement. Pour les zones franches, ces opérations peuvent impliquer des procédures douanières supplémentaires, notamment la restitution des titres poursuivis de suspension de droits.
Les stocks en consignation apparaissent généralement dans l’actif circulant, sous un compte 37X distinct. La ventilation détaillée par site et par client renforce la transparence. En hors bilan, l’entreprise mentionne ses engagements et droits contractuels, garantissant une lecture fidèle de l’exposition au risque et de la liquidité future.
Les notes annexes doivent décrire la nature des biens, le périmètre des contrats et les modalités d’évaluation. Les méthodes comptables (FIFO, CMP, etc.), les montants significatifs en début et fin d’exercice, ainsi que les mouvements (entrées, sorties, provisions) doivent être explicités de manière claire et détaillée.
Au niveau du groupe, la consignation entre entités intragroupe nécessite l’élimination des soldes et des résultats latents. L’homogénéisation des méthodes de valorisation garantit la comparabilité et la fiabilité des états financiers consolidés, tout en respectant les exigences d’IAS 2.
La consignation permet une réduction du BFR, puisque l’actif circulant ne reflète pas ces stocks tant qu’ils ne sont pas consommés. Une analyse comparative réalisée dans le secteur pharmaceutique a montré une diminution moyenne de 12 jours de trésorerie immobilisée, soit un impact positif équivalent à 0,8 % du chiffre d’affaires.
Le ratio de rotation des stocks s’améliore avec la consignation, offrant une meilleure lisibilité et un argument solide lors de la négociation de covenants basés sur le BFR. Les banques peuvent accepter des seuils plus exigeants si l’entreprise démontre un suivi rigoureux des stocks hors bilan et une fiabilité des provisions.
Lors de transactions, les stocks en consignation représentent un point sensible en audit. Il convient de vérifier la cohérence des comptes 37X avec les relevés physiques, les contrats et les provisions associées. Une consignation mal documentée peut altérer la valorisation du goodwill et influer sur le prix de cession d’une entreprise.
Les procédures doivent détailler les étapes de réception, l’inscription hors bilan, les retours et les rapprochements périodiques. Des points de contrôle automatisés, appuyés par des rapports d’alerte sur les écarts entre quantités comptabilisées et relevés physiques, sont indispensables pour limiter les fraudes et erreurs de suivi.
L’intégration d’un module consignation dans l’ERP permet de suivre en temps réel les stocks, d’automatiser les écritures comptables et de générer des alertes. Certains acteurs explorent la blockchain pour sécuriser la provenance, assurer l’authenticité des retours et tracer chaque lot de manière infalsifiable.
Les KPI suivants sont recommandés : taux de couverture de stock, délai moyen de consommation, taux de retours tardifs, niveau des provisions. Mis en place dans un tableau de bord interactif, ces indicateurs offrent une visibilité quotidienne aux directions financière et supply chain, favorisant une prise de décision agile.
Dans la grande distribution, la consignation porte souvent sur les produits frais. L’enseigne X a paramétré son ERP pour déclencher une facturation automatique dès qu’un seuil de ventes quotidiennes est atteint, réduisant le BFR de 10 % et les pertes produits de 5 %. En industrie pharmaceutique, la société Y a mis en place une consignation multi-sites, synchronisée via EDI, ce qui a permis d’améliorer le taux de service de 98 % à 99,5 % sans hausse significative de coûts logistiques.
Les étapes clés incluent la rédaction du contrat, la paramétrisation de l’ERP, la formation des équipes, l’élaboration des procédures de rapprochement et la mise en place des reportings. Les documents à archiver comprennent les contrats, les relevés de stocks mensuels, les inventaires physiques et les justificatifs de provisions. Ces éléments permettent de démontrer la bonne application des normes et de répondre rapidement aux audits.
Lors de la rédaction des contrats, veillez à préciser clairement les clauses de responsabilité, les modalités d’assurance et les pénalités de non-respect des volumes. Évitez les formules trop génériques : chaque terme doit être défini. Assurez une veille réglementaire continue et proposez des formations régulières aux équipes comptables et logistiques afin de maintenir un niveau de compétence optimal.
La consignation s’inscrit de plus en plus dans une logique de développement durable : en optimisant les flux et en limitant le surstockage, on réduit les gaspillages et l’empreinte carbone. À moyen terme, l’intégration des normes ESG devrait encourager des politiques de consignation vertes, privilégiant les emballages réutilisables et la mutualisation des plate-formes logistiques. Enfin, l’évolution des normes IFRS pourrait renforcer les exigences de transparence autour du contrôle et du reporting des stocks hors bilan, poussant les entreprises à affiner encore leurs systèmes d’information et leurs processus internes.