Accès à tous les services avec le contrat Infonet Pro : Premier mois à 3 € HT puis forfait à 99 € HT / mois avec 12 mois d'engagement
Services B2B d’analyse et d’information légale, juridique et financière réservés aux entreprises
Infonet est un service privé, commercial et non-officiel. Infonet est distinct et indépendant du Registre National du Commerce et des Sociétés, de l’INSEE, d’Infogreffe et des administrations publiques data.gouv.fr.
Dans un paysage économique où l’innovation et la connaissance sont devenues les principaux moteurs de la croissance, l’évaluation des actifs immatériels et la prise en compte du goodwill s’imposent comme des enjeux stratégiques majeurs. À l’ère du numérique, des brevets, des marques, du savoir-faire et du capital humain, l’entreprise ne se limite plus à ses infrastructures physiques : elle puise sa valeur dans des éléments plus subtils, souvent invisibles au premier abord. La maîtrise de ces dimensions intangibles constitue un levier de compétitivité, un facteur déterminant pour attirer les investisseurs et sécuriser les opérations de fusion-acquisition. Cet article propose un parcours didactique et analytique, ponctué d’exemples concrets et de données chiffrées actuelles, pour éclairer chaque étape du processus d’évaluation et de valorisation, tout en soulignant les bonnes pratiques et les pièges à éviter. De la définition des catégories d’actifs immatériels à l’élaboration de tests d’impairment en passant par la consolidation du goodwill, ce guide s’adresse aux dirigeants, aux financiers et aux auditeurs désireux d’appréhender avec rigueur et méthode la richesse cachée au cœur de l’entreprise.
Les actifs immatériels couvrent un spectre large de ressources non physiques, capitalisées par l’entreprise pour générer des flux futurs. Selon le Plan comptable général (PCG) et les normes IFRS, on distingue principalement les brevets, marques, licences, logiciels, savoir-faire et capital humain. En 2023, les cinq premières entreprises technologiques mondiales représentaient environ 60 % de leur capitalisation boursière grâce à leurs brevets et portefeuilles de licences, ce qui souligne l’importance de bien classer ces actifs dans les états financiers.
Le PCG identifie ces éléments sous l’article 311-1 et suivants, tandis qu’IAS 38 précise les conditions de reconnaissance en IFRS. Les brevets protègent des inventions techniques pour une durée limitée et peuvent représenter jusqu’à 15 % de la valeur d’une entreprise biotechnologique cotée. Les marques constituent un signe distinctif et captent la fidélité des consommateurs , leur valeur réside dans la notoriété acquise et peut parfois dépasser la valeur des actifs corporels. Les logiciels, quant à eux, évoluent rapidement et nécessitent un suivi permanent des coûts de développement et des mises à jour.
Au-delà de la simple catégorisation, chaque actif possède des caractéristiques économiques propres. On aborde dans la sous-section suivante leur durée de vie, leur cycle de renouvellement et les synergies potentielles qui découlent de leur intégration dans le business model global.
La durée de vie d’un actif immatériel varie fortement : un brevet pharmaceutique peut bénéficier d’une exclusivité de vingt ans, tandis qu’un logiciel interne verra son utilité s’éroder en quelques années face à l’obsolescence technologique. Cette réalité impose des cycles de renouvellement et d’investissement continus pour maintenir la compétitivité et éviter la dépréciation prématurée des actifs.
Les synergies potentielles constituent un levier important : un portefeuille de licences peut s’appuyer sur un même savoir-faire pour pénétrer différents marchés géographiques, tandis qu’une marque forte facilite le lancement de nouveaux produits. Lors d’une acquisition, l’analyse croisée de ces synergies contribuera à justifier une survaleur – ou goodwill – lorsque le prix d’achat dépasse la valeur nette comptable des actifs identifiables.
La phase de due diligence doit systématiquement intégrer un inventaire exhaustif des actifs immatériels, appuyé par une documentation rigoureuse : contrats de licence, dépôts de brevets, relevé des investissements R&D, accords de non-divulgation pour le savoir-faire, fiches de compétences clés pour le capital humain. Parmi les points de vigilance, il convient de vérifier la validité juridique des droits (brevet délivré, marque enregistrée), l’horizon de protection, et les éventuelles restrictions ou litiges en cours. Une check-list type comprendra notamment :
Cette démarche garantit la fiabilité des valorisations et prépare la base pour le calcul du goodwill si une survaleur est justifiée.
Le goodwill, ou survaleur, représente la différence entre le prix d’acquisition payé pour une entreprise et la juste valeur de ses actifs nets identifiables. En M&A, cette notion traduit la valeur des éléments intangibles non individualisables, tels que la réputation, le réseau commercial ou le potentiel de synergies. Il s’agit d’un actif résiduel inscrit au bilan de l’acquéreur lors de la comptabilisation des opérations conformément à IFRS 3.
Lors d’une fusion-acquisition, l’acheteur réévalue les actifs et passifs identifiables à leur juste valeur. Si le prix d’achat excède cette somme, le montant résiduel est alloué au goodwill. Cette survaleur traduit des attentes de rentabilité supérieure, fondées sur la stratégie de l’acquéreur : accès à de nouveaux marchés, technologies exclusives, synergies opérationnelles ou économies d’échelle. Par exemple, lors de l’acquisition d’une PME industrielle pour 120 M€ alors que ses actifs nets identifiables sont valorisés à 90 M€, un goodwill de 30 M€ est généré.
Plusieurs facteurs expliquent la création de goodwill : la notoriété d’une marque, mesurée par des indicateurs comme le Brand Strength Index, le portefeuille clients loyal avec des contrats longue durée, et le potentiel de synergies (réduction des coûts d’approvisionnement, optimisation de processus, élargissement de l’offre). Les études de marché indiquent que 70 % de la valeur d’une start-up numérique en phase de croisière repose sur ces composantes intangibles, plutôt que sur ses actifs physiques.
En 2022, une licorne française spécialisée dans l’intelligence artificielle a acquis une pépite deep tech pour 150 M€, dont 45 M€ de goodwill, valorisant le capital humain et le savoir-faire algorithmique. Dans un autre cas, un groupe industriel a acheté une PME de robotique pour 80 M€, avec 20 M€ d’actifs incorporels identifiables et 60 M€ de goodwill, reflétant la valeur stratégique des synergies manufacturières et du réseau commercial.
Le Plan comptable général (PCG) et les normes IFRS présentent des différences substantielles dans la reconnaissance et le traitement des actifs immatériels. L’article 311-1 du PCG impose un principe de prudence, limitant l’activation aux coûts directement imputables à la création d’actifs à usage durable. À l’inverse, IAS 38 autorise l’activation des coûts de développement si plusieurs critères sont remplis : faisabilité technique, intention de finaliser l’actif, capacité à l’utiliser ou à le vendre, génération de bénéfices futurs probables, disponibilité des ressources, et capacité à mesurer les coûts de manière fiable.
IFRS 3, dédiée aux regroupements d’entreprises, définit les modalités de comptabilisation du goodwill : il n’est pas amorti, mais soumis à des tests périodiques d’impairment. Le PCG permet quant à lui un amortissement sur une durée qui ne doit pas excéder dix ans, sauf justification particulière, et impose également des tests de dépréciation en cas d’indice de perte de valeur.
Les distinctions se cristallisent principalement autour de trois axes :
Les recommandations de l’Autorité des normes comptables (ANC) et de l’AMF exigent un niveau de transparence élevé : méthode d’évaluation retenue, durée d’amortissement ou hypothèses d’impairment, modalités de revue périodique. L’annexe doit détailler les tests de dépréciation, présenter les résultats de sensibilité aux variations de taux d’actualisation et de croissance, et expliciter les traitements fiscaux associés.
Sur le plan fiscal, les sociétés peuvent recourir à des amortissements dérogatoires pour lisser l’impact sur le résultat imposable et optimiser le crédit d’impôt recherche (CIR). La doctrine fiscale admet des plans de charge étalés jusqu’à cinq ans pour des actifs R&D, toutefois sous conditions strictes de traçabilité des coûts.
L’activation d’un actif immatériel accroît l’assiette des amortissements déductibles, réduisant le bénéfice imposable. En parallèle, un goodwill non amortissable en IFRS génère un résultat comptable supérieur au résultat fiscal, nécessitant des ajustements temporaires. Les équipes financières doivent veiller à documenter ces différences pour éviter les redressements en cas de contrôle fiscal.
La méthode par les coûts repose sur le calcul du coût de reproduction ou de remplacement d’un actif. Pour un logiciel interne, on somme les dépenses engagées depuis la phase de conception jusqu’à la mise en production, incluant salaires, licences tierces, tests et maintenance initiale. En 2023, le coût moyen de développement d’une application métier s’élevait à 400 000 € sur trois ans en Europe occidentale.
Ses limites résident dans l’obsolescence rapide des technologies et l’absence de prise en compte des bénéfices futurs. Cette approche s’avère néanmoins pertinente pour les PME industrielles ou les brevets proches de leur fin de vie, où la comparabilité de marché est insuffisante.
La méthode des transactions comparables et la royalty relief method évaluent l’actif en se référant à des opérations similaires réalisées sur le marché. Par exemple, une marque alimentaire peut être valorisée sur la base de transactions de marques comparables, ajustées selon la taille du marché, la maturité du produit et la couverture géographique. Les transactions récentes dans le secteur des boissons non alcoolisées affichent des ratios de prix sur ventes allant de 1,5x à 3x.
Les ajustements de comparabilité restent délicats : il faut corriger les différences de structure de coûts, de positionnement client ou de durée de vie résiduelle. Malgré ces défis, cette approche offre l’avantage d’ancrer la valorisation dans la réalité du marché, réduisant le risque d’écart significatif avec des acteurs tiers.
Le Discounted Cash Flow (DCF) appliqué aux actifs immatériels projette les flux futurs générés directement par l’actif. Pour un brevet pharmaceutique, on modélise les revenus issus de licences ou de ventes jusqu’à l’expiration du brevet, puis on les actualise à un taux reflétant le risque spécifique. Un exemple concret peut voir un brevet valorisé 50 M€ si les flux escomptés sur dix ans sont de 8 M€ annuels, actualisés à 12 %.
La méthode des surplus earning ou « surprofits » déduit du résultat net la rémunération du capital physique et du travail, pour isoler la rémunération liée à l’actif immatériel. Ces surprofits sont ensuite actualisés selon un taux propre à l’actif. Les hypothèses de croissance, de taux de royalties et de coût du capital influencent fortement le résultat, d’où l’importance d’effectuer des analyses de sensibilité.
Le choix de la méthodologie dépend de la nature de l’actif, de son ancienneté, de la disponibilité des données de marché et de l’objectif de l’évaluation (transaction, reporting, fiscalité). Une combinaison de méthodes permet souvent de croiser les résultats et d’assurer une valorisation robuste. Par exemple, on peut pondérer le DCF à 60 % et la méthode des comparables à 40 % pour une marque établie, tout en validant la cohérence avec le coût de reproduction.
Plusieurs outils et logiciels (Argos, Inavis, Valuer AI) offrent des modules dédiés, intégrant des bases de données de transactions et des simulateurs de cash flows. Les coûts de ces solutions varient généralement de 5 000 à 20 000 € annuels selon l’échelle de l’entreprise et le niveau de personnalisation requis.
Une entreprise internationale du secteur financier envisage l’acquisition d’une start-up digitale spécialisée dans les solutions de scoring de crédit basées sur l’intelligence artificielle. La cible compte 120 collaborateurs, un pipeline de produits en phase pilote, et un portefeuille clients composé de trois grandes banques régionales. Son chiffre d’affaires 2023 s’établit à 5 M€, avec une croissance de 30 % par an sur les deux dernières années.
Pour l’acquéreur, l’enjeu stratégique est double : accéder à une technologie propriétaire capable d’améliorer la qualité des décisions de crédit et pénétrer de nouveaux segments de clientèle grâce à un produit différenciant.
La due diligence regroupe les actifs suivants : brevets sur algorithmes de scoring, marque déposée, plateforme logicielle, base de données client, capital humain clés (data scientists, ingénieurs). La check-list comprend la vérification des dépôts de brevets, la licensing policy, les contrats open source et les fiches de poste des profils stratégiques.
Pour les brevets, on retient un DCF sur dix ans actualisé à 14 % aboutissant à 8 M€. La marque est évaluée par royalty relief method, avec un taux de royalty de 5 % appliqué au chiffre d’affaires projeté, valorisant la marque à 4 M€. La plateforme logicielle est estimée au coût de remplacement, soit 3,5 M€. Le capital humain donne lieu à un surprofit actualisé à 6 M€.
La somme des actifs identifiables s’élève à 21,5 M€. Le prix d’achat convenu est de 30 M€, générant un goodwill de 8,5 M€. Selon IFRS 3, ce montant n’est pas amorti, mais ventilé par unités génératrices de trésorerie pour les tests d’impairment futurs. En PCG, l’impact sur le bilan intègre un amortissement éventuel sur dix ans.
À la date d’acquisition :
Débit : Immobilisations incorporelles 21,5 M€
Débit : Goodwill 8,5 M€
Crédit : Trésorerie ou dette d’acquisition 30 M€
Les ajustements post-clôture pourront affiner ces montants selon l’issue des audits complémentaires.
Les erreurs fréquentes proviennent souvent d’une sous-estimation des synergies et d’un manque de rigueur dans les tests de comparabilité. Pour les corriger, il est crucial de recroiser plusieurs méthodes et d’inclure systématiquement une analyse de sensibilité. L’incidence sur les ratios financiers post-acquisition est significative : le ROCE peut baisser temporairement du fait du goodwill non amorti, tandis que le gearing augmente du fait du financement de l’opération. Une communication transparente et proactive auprès des banquiers et des investisseurs est essentielle pour préserver la confiance et anticiper les covenants susceptibles d’être impactés.
Les tests d’impairment doivent être réalisés au minimum annuellement en IFRS, ou dès qu’un indice significatif de perte de valeur apparaît en PCG (chute de performance, modification du plan stratégique, environnement réglementaire défavorable). La valeur recouvrable se définit comme le plus élevé entre la fair value less costs to sell et la value in use, cette dernière étant le présent value des cash flows futurs générés par l’unité génératrice de trésorerie.
Le calcul de la fair value less costs to sell s’appuie sur des transactions comparables ou des offres firmes. La value in use repose sur des projections internes, ajustées pour refléter les risques spécifiques et un taux d’actualisation adapté. L’écart résultant peut conduire à une dépréciation partielle ou totale du goodwill, impactant directement le compte de résultat de l’année en cours.
La documentation doit inclure le descriptif des UGT, les hypothèses retenues (croissance, taux d’actualisation), les projections détaillées, ainsi que les résultats des analyses de sensibilité. De nombreux logiciels de consolidation proposent des modules dédiés à l’impairment, facilitant la traçabilité des versions et la comparaison des scénarios.
Au-delà des chiffres comptables, il est recommandé d’intégrer des KPIs spécifiques : le ROI R&D, mesurant le rapport entre dépenses de recherche et résultats financiers , le Brand Strength Index, reflétant la santé de la marque selon des critères de notoriété, d’engagement et de prix premium , des indicateurs de performance du capital humain, tels que le turnover des talents clés ou le temps moyen de montée en compétences.
La convergence des données financières et non financières s’opère via des tableaux de bord sur des outils BI (Power BI, Tableau). Une vue unifiée permet de suivre l’évolution de la valeur immatérielle, d’anticiper les besoins d’investissement et de piloter les tests d’impairment avec des alertes automatiques.
Sous l’égide du Pacte et de la directive CSRD, les parties prenantes attendent désormais une transparence sur la stratégie immatérielle, le respect des critères ESG, et la contribution des actifs incorporels à la résilience de l’entreprise. Les rapports sectoriels, notamment dans la pharmaceutique et le high-tech, offrent des modèles inspirants pour structurer ces informations.
Les avancées technologiques révolutionnent déjà les pratiques d’évaluation. L’intelligence artificielle et le big data permettent de raffiner les projections de flux en analysant des volumes massifs de transactions et de signaux de marché. Les proof of concept en blockchain explorent la tokenisation d’actifs immatériels, ouvrant la voie à des échanges plus fluides et à la constitution de marchés secondaires dédiés aux droits de propriété intellectuelle.
Parallèlement, l’intégration des critères ESG dans les modèles d’évaluation gagne en importance. La valorisation positive d’une marque durable ou d’un savoir-faire social, intégrant des scoring extra-financiers, constitue un atout différenciateur. Un exemple concret en Europe du Nord voit une entreprise de mode éco-conçue valoriser son capital immatériel à hauteur de 30 % de sa valorisation totale grâce à des indices de durabilité certifiés.
Enfin, les réflexions menées par l’IASB et l’EFRAG sur l’activation des dépenses R&D et la reconnaissance d’un capital humain ouvrent la voie à un renouvellement du cadre comptable. Les professionnels devront se préparer à ces évolutions en renforçant leurs compétences en data analytics, en gouvernance ESG et en management de l’immatériel, afin de transformer ces défis en opportunités stratégiques.